Quelques anecdotes de racisme ordinaire

l’histoire du gars qui a cessé de couper court

 

pulsion de meurtre sur la ligne 6 à place d’Italie, après qu’une usagère du métro, la bouche recouverte d’un rouge à lèvre grenu, lui marcha sur le bout du pied avec son talon, une pointe de dédain, et une insolence cocardière qui beuglait : il serait temps de rentrer chez vous ! y a plus d’espace vous voyez pas ? il eut envie de lui mettre un coup de front linéaire par vengeance ricochée, balayer sa verticalité, lui ratatiner le poitrail sur le pavé, attendre qu’elle se relève pour la braquer avec un 9 millimètres, fin prêt à disperser des morceaux mal hachés de sa menue cervelle. mais une voix entêtante le martela à l’ordre : calme-toi renoi. taper une cougar, t’es sérieux ? en plus t’as pas de Parabellum dans ta poche, que des chewing-gums. calme le game. il détendit les sourcils et pour couper court, répondit à la quelconque un vous avez raison mensonger.

pulsion de meurtre sur la ligne du PC2 à porte des Lilas-Sérurier, après qu’une usagère le bouscula-hashtag-Jonah-Lomu : elle estimait qu’il la collait trop. elle était plus proche de la retraite que de lui mais vous sentez le fauve monsieur ! brailla-t-elle en lui rentrant dedans. d’un coup, il eut envie de shooter un drop-goal avec son visage, de le faire transpercer le toit du bus, de le voir s’élever dans le ciel, fendre sa brume avant de retomber comme une pierre de chair sur une chaussée impassible. mais une voix entêtante le martela à l’ordre : calme-toi renoi, t’as jamais été bon rugbyman. le mieux pour toi c’est de botter en touche. redescends les Celsius. il détendit les sourcils et pour couper court, lança à la quelconque un vous avez raison mensonger.

pulsion de meurtre sur la ligne 1 au pont de Neuilly, après qu’une usagère au verbe recouvert de tics de langage nationaliste, s’en prit à lui parce qu’il téléphonait à un patois de civilité étrangère. elle quittait la voiture, le signal alarmant retentissait quand elle eut le courage de ses propos : c’est la France ici, alors parlez français bordel ! osa la fuyarde courageuse du majeur. il eut envie de bloquer sa majoration entre les portes refermées du wagon et son bras entre les palières de sécurité. la chenille de fer redémarrant, il aurait assisté à un bel arrachement osseux. mais une voix entêtante le martela à l’ordre : calme-toi renoi, ça t’avancerait à quoi qu’elle soit manchote ? easy my man, y a rien. il détendit les sourcils et pour couper court, souffla à la quelconque un vous avez raison mensonger.

pulsion de meurtre à Châtelet sortie place Carrée où un unique portique à disposition d’une file d’attente interminable, décalait sa ponctualité. billet en règle, il se risqua à escalader une grille pour raccourcir son retard. il fut cueilli par deux contrôleuses qui lui demandèrent s’il se croyait dans la savane : monsieur s’imagine dans la forêt africaine et veut monter dans les arbres c’est ça ? faut civiliser le banania en vous monsieur, non ? il eut envie d’un katana pour sectionner leur qualité bipède, eut envie de les ramener à l’état paléolithique en les fauchant avec des pièges animaliers aux dents d’acier. il eut envie de les écharper férocement et lentement en chantant Libérez la Bête de Casey mais une voix entêtante le martela à l’ordre : calme-toi renoi, à moins que tu ne veuilles apparaître comme l’attraction King Kong d’un cirque de dresseurs sanguinaires. regarde autour de toi renoi, les factions militaro-sécuritaires n’attendent que ça. il expira alors un yoga express, vent de prânâyâma accéléré, détendit les sourcils et pour couper court, soumit aux quelconques un vous avez raison mensonger.

pulsion de meurtre sur la ligne 2 à la Chapelle, après qu’un géronte en béret lui sourit en affichant le titre d’un canard qu’il lisait : une chef d’extrême droite désignée personnalité politique de l’année. deux secondes après, il essuya les insultes d’une jeune maghrébine parce que suite à une secousse ferroviaire, sa main avait effleuré la sienne sur la rampe de maintien : tu me touches pas sale bledard de pervers de merde, ok ? il eut envie d’envelopper le barbon et la jouvencelle dans le journal gratuit jusqu’à l’étouffement, eut envie de les asphyxier dans le papier de leurs convictions criminelles. il aurait ensuite froissé le tout en une boule larguée dans la cuve d’un cabinet d’aisances où son urine aurait afflué. mais une voix entêtante le martela à l’ordre : calme-toi renoi ! d’un tel double homicide, les amis du vioc, les lecteurs de quotidiens douteux, les gamines petites connes aux propos irréfléchis, trouveraient de quoi nourrir leurs xénophobies. il détendit les sourcils et pour couper court, l’œil rivé sur le pépé quelconque, articula à l’ado quelconque, un vous avez raison mensonger.

pulsion de meurtre dans une berline de location avenue du Hazay à Cergy, après qu’une tante siège passager, le gifla d’un débat d’épiderme idiot : on peut faire le viens-on-reste avec une White, on peut flirter un moment mais signer l’alliance avec, non c’est les problèmes. hé ma chérie, je ne te vise pas ! toi tu n’es pas comme les autres, tu sais ça n’est-ce pas ? elle s’adressait à la petite amie, plage arrière. il eut envie de se garer et de crier sur son aînée, eut envie d’hurler jusqu’à lui briser le tympan, qu’elle devienne sourde pour apprendre un meilleur regard. il eut envie, un instant, qu’elle ne soit plus filiale pour pouvoir assumer l’instinct primaire de lui écraser la mâchoire sur la boîte à gants avec une force prompte à actionner l’airbag. mais une voix entêtante le martela à l’ordre : calme-toi renoi, c’est ta putain de family ! détente renoi. sauf qu’il n’y parvenait pas cette fois au contraire, et à peine eut-il le temps de taper sur le volant pour autoriser l’expression de son bouillonnement, qu’il fut interrompu par sa Caucasienne du moment ; sourcils détendus, c’était pour couper court qu’elle glissa à la tantine, soudainement quelconque, un vous avez raison mensonger.

depuis il a cessé de couper court.
depuis il affronte les torts d’autrui.
depuis les flashs de violences ont disparu.

 

 

Edgar Sekloka, 17 décembre 2014